
"Charlène s’amuse avant tout..."
Charlène Duval est à la fois votre création et votre alter-ego... Comment et pourquoi ce personnage est-il né ?
J.-Ph. Maran : Elle est née parce qu’il y avait une place à prendre !
Quand Charlène Duval s’est concrétisée, il y a bientôt dix ans, j’y pensais depuis longtemps déjà. Je voulais créer une synthèse de toutes les grandes devancières, comme Marlène Dietrich, Josephine Baker, Mistinguett, Mae West, Carmen Miranda ou Line Renaud. Mais tout cela avec le recul et le second degré qui manquent souvent à la plupart des artistes qui prétendent continuer la "tradition" du Music- Hall. Charlène, elle, a beau résulter d’un boulot de romain, elle s’amuse avant tout...
Le personnage de Charlène Duval s’inscrit dans une tradition plutôt anglosaxonne...
C’est vrai qu’en France, ce genre-là n’existe quasiment pas, ou plus. Chez nous, on ne voit que des spectacles d’imitation, des travestis chantant en play-back déguisés en Brigitte Bardot ou en Mylène Farmer
Charlène Duval, elle, est un personnage à part entière, qui a son histoire, et que je fais évoluer comme bon me semble. J’ai une grande liberté avec elle ! Elle me permet toutes les fantaisies, et ne doit rien à personne. C’est ce qui rend, je crois, le personnage attachant...
Elle a aussi son caractère : Charlène ne repose pas uniquement sur son look, ce qui la différencie des spectacles uniquement visuels, type Folies-Bergère ou Moulin-Rouge.
Et d’un point de vue plus personnel, le travesti n’est pas un choix anodin...
Ah ça, je rêvais d’avoir des plumes au derrière depuis l’école primaire. Charlène représente aussi une forme de glamour et d’élégance complètement fabriquée et, bien sûr, désuète aujourd’hui... Mais quoi qu’on en pense, le public aime ça. Voir une pseudo femme crouler sous des milliers d’euros de maquillage, de bijoux, de diamants, de plumes, et de toutes sortes de babioles inutiles et hors de prix, ça le fait rêver !
C’est un peu comme la haute couture : on sait qu’on ne pourra voir ça que là, que Charlène Duval dans le métro ou au supermarché, c’est impossible. Ou alors, sous l’oeil des caméras de la MGM...
Interview réalisée par Rémy Batteault pour Regard en coulisse en 2003